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POUR UN ROYAUME

Le Sri Lanka a toujours été convoité pour son emplacement situé au carrefour de routes maritimes, ainsi que pour ses richesses. Les échanges avec les navigateurs et commerçants ; méridionaux, Arabes ou Indiens ont nourri au fil des siècles l’identité sri lankaise.

Alors habitée des seuls Veddas, l’île fut conquise au Ve siècle avant J.-C. par les ancêtres des Cinghalais, des Indo-européens venus du nord de l’Inde. Les Tamouls d’origine dravidienne seraient arrivés du sud de l’Inde peu après. C’est à Anuradhapura, la première capitale de ce nouveau royaume, que deux siècles plus tard le roi cinghalais Tissa s’est converti au bouddhisme, introduit dans l’île par le prince Mahinda, fils de l’empereur indien Ashoka.

Durant des siècles, Cinghalais et Tamouls n’ont eu de cesse de s’affronter, dominant l’île tour à tour, avec des périodes de paix pendant lesquelles les mariages mixtes étaient fréquents. C’est au cours d’une de ces périodes, 100 avant J.-C., sous le règne de Dutugumunu que les préceptes du bouddhisme se propagèrent alors qu’ils tombaient dans l’oubli en Inde. C’est aussi une époque faste en réalisation architecturale ; des temples grandioses sortent de terre tandis qu’un système d’irrigation très élaboré se développe à grande échelle. Mais les Tamouls rentrent à nouveau en conflit avec la royauté cinghalaise, ce durant près d’un millénaire. En 993, ce sont des Tamouls de la dynastie Cholas, venus d’Inde, qui s’emparent du royaume, avec à leurs têtes le roi conquérant Rajaraja.

En 1070, le prince cinghalais Vijayabahu reconquit le royaume, mais délaissa Anuradhapura pour établir la capitale à Polonnaruwa. C’est sous le règne de son successeur, Parakramabahu Ier (1153-1186), que la ville et le système hydraulique sur lequel repose la civilisation cinghalaise atteignent leur apogée. Mais Polonnaruwa décline à son tour, jusqu’à ce que sous la pression tamoule, les Cinghalais se réfugient toujours plus au sud, jusqu’à Kandy.

LA PRÉSENCE EUROPÉENNE

Le Sri Lanka aura connu trois colonisateurs européens successifs, les Portugais en 1505, les Hollandais en 1603, puis les Britanniques à partir de 1795 jusqu’à l’indépendance, en 1948.

Les Portugais se sont d’abord installés au nord de l’île qu’ils baptisèrent Ceilão, pour le commerce des épices. Ils détruisirent les temples hindous et imposèrent la religion catholique. Ils fondèrent ensuite un comptoir dans le royaume de Kotte, à l’emplacement actuel de Colombo, puis sur le reste du littoral. Un siècle après leur arrivée, le roi de Kandy fit alliance avec les Hollandais pour évincer les Portugais avant leur totale emprise sur l’île. Les Hollandais prirent possession des anciens comptoirs portugais, avant d’imposer eux aussi leur propre religion et de mettre en place, comme leurs prédécesseurs, une administration à deux vitesses, une pour les Tamouls, une pour les Cinghalais.

En 1795, les Hollandais seront à leur tour délogés par les Britanniques. Et pour la première fois, l’envahisseur étend sa domination sur l’ensemble de l’île. Les Britanniques créent une administration unifiée, ouvrent des routes et des lignes de chemin de fer. Les cultures du café, du thé, de l’hévéa (caoutchouc) et de la cannelle prennent leurs essors, après que les planteurs aient fait venir en grand nombre des Tamouls d’Inde, une main-d’œuvre peu coûteuse déjà au fait des méthodes de travail britanniques.

Des écoles de langue anglaise sont ouvertes partout dans le pays, mais leur accès est accordé plus volontiers à la minorité tamoule. Suite à cela, l’emploi dans l’administration ou tout autre emploi demandant des études leur sera facilité. Des affrontements entre Tamouls et Cinghalais surviennent dès 1930.

L’INDÉPENDANCE DU SRI LANKA

En 1931, le Royaume-Uni accorde un début d’autonomie à l’île de Ceylan, tout en misant sur l’attachement d’une élite formée à son image. Le 4 février 1948, l’indépendance du pays est finalement déclarée.

Le premier gouvernement formé par Don Stephen Senanayake avec le soutien du parti conservateur UNP, réduit la représentation tamoule au parlement, en retirant la citoyenneté à un million de «Tamouls des montagnes». Il reste une personnalité populaire en raison de sa politique sociale.

En 1956, Solomon W. R. D. Bandaranaike, fondateur de l’autre principal parti du pays, le SLFP, plus à gauche et plus nationaliste remporte les élections. Afin de prendre ses distances avec les Britanniques et de privilégier l’accès des Cinghalais à l’université et à la fonction publique, une nouvelle loi faisant du cinghalais la seule langue officielle du pays est promulguée, alors que le bouddhisme devient religion d’État.

En 1959, Bandaranaike est assassiné par un extrémiste bouddhiste. Sa veuve, Sirimavo Bandaranaike, devient la première femme au monde à devenir chef d’État. Elle déclare l’état d’urgence un an après son élection, pour faire face à la contestation de militants tamouls, indignés par une suite de mesures discriminatoires.

En avril 1971, le gouvernement manque de peu d’être renversé par une insurrection conduite par le Front de libération du peuple (JVP), composé de jeunes en rupture avec la gauche traditionnelle. Les combats et la répression feront des milliers morts.

En 1972, Ceylan se réapproprie son ancien nom, Lanka (l’île resplendissante), précédé d’un Sri à la connotation sacrée.

En 1974, le Front uni de Libération des Tamouls prône officiellement la création d’un état séparé dans le nord et l’est du pays (Tamil Eelam).

Le 7 septembre 1977, le Sri Lanka devient la République démocratique socialiste du Sri Lanka.

Le 23 juillet 1983, un commando des Tigres tamouls (LTTE) avec à leurs têtes Velupillai Prabhakaran, tend une embuscade à une patrouille de l’armée gouvernementale, tuant 23 soldats. En réponse, des émeutes anti-tamoules éclatèrent à Colombo, avant de se propager dans le pays, faisant jusqu’à 3000 victimes. Plus de 100 000 Tamouls prirent le chemin de l’exil, tandis que d’autres choisirent de grossir les rangs des Tigres tamouls. Ce « juillet noir » marque le début de la guerre civile, elle durera 25 ans.

LA GUERRE CIVILE

Alors que l’engrenage de la violence semble inexorable, des troupes indiennes interviennent en 1987 dans le nord du pays suite à un accord de cessez-le-feu. L’armée indienne, à qui il est reproché de se comporter en occupant, se retire en mars 1990. Entre-temps, le JVP, devenu ouvertement nationaliste, prétextant leurs hostilités à l’accord Indo-Sri Lankais et tout autre compromis avec les Tamouls, a repris la lutte armée de 1987 à 1989. Avec ce deuxième front ouvert au sud, le Sri Lanka plonge dans l’horreur totale. Les insurgés et les forces gouvernementales se livrent à une guerre quasi clandestine, faite d’assassinats et d’enlèvements, rendant le conflit illisible. Le gouvernement finit par remporter une victoire écrasante sur la guérilla, mais le prix est terrible ; la répression est encore une fois sanglante, frappant avec peu de distinction.

En 1991, un kamikaze envoyé par les Tigres tue le premier ministre indien Rajiv Gandhi. On assiste alors à une radicalisation de la violence de part et d’autre. Les Tigres tamouls mènent des raids extrêmement efficaces contre l’armée, sèment la terreur parmi les populations cinghalaises à coup d’attentats, prennent la population tamoule en otage et persécutent les musulmans. De son côté, l’armée régulière se livre à une surenchère dans la violence et les exactions, traite sans ménagement la population civile et est soupçonnée d’exécutions sommaires.

Le 1er mai 1993, un attentat perpétré par un Tigre tamoul visant le président Premadasa fait un nouveau carnage. Une alternance de combats et de cessez-le-feu se poursuit, ainsi que les attentats suicides toujours plus meurtriers.

Le 22 février 2002, le premier ministre Ratanasiri Wickremanayake signe un accord de cessez-le-feu sous le parrainage de la Norvège. La trêve durera plus de deux ans, avant qu’un nouvel attentat suicide dans le centre de Colombo y mette un terme le 7 juillet 2004.

Au drame permanent que vivent les Sri Lankais, s’ajoute la plus grande catastrophe naturelle que l’île ait connue. Le 26 décembre 2004, un tsunami balaie 800 km de son littoral, faisant plus de 30 000 morts et plus d’un demi-million de sans-abri.

En 2005, le nouveau président de la République, Mahinda Rajapakse, adopte une ligne dure vis-à-vis des séparatistes, rejetant toute idée de compromis. Les attentats se multiplient dont l’un fait 64 victimes civiles. En juin 2006, les forces aériennes bombardent les positions rebelles.

En janvier 2009, Kilinochchi, la capitale politique des tigres, cède sous l’assaut de l’armée gouvernementale, puis c’est au tour la péninsule de Jaffna. Les derniers combattants du LTTE, ainsi que plusieurs milliers de civiles se retrouvent sous le feu des bombardements, acculés sur une bande de sable entre la lagune de Mullaitivu et l’océan dans le nord-est de l’île. Le 17 mai, les derniers tigres jettent les armes, la mort de Prabhakarane, leur chef suprême est officialisé, la guerre civile est finie après avoir fait plus de 70 000 morts.

LES JOURS D’APRÈS

Rajapakse, fort de son succès historique, est réélu, mais un rapport des Nations Unies suspectant des crimes de guerre commis par l’armée gouvernementale au cours de l’ultime offensive, ternit son triomphe.

La reconnaissance du tamoul comme l’une des deux langues officielles du Sri Lanka est au centre des efforts de réconciliation. L’état d’urgence, instauré depuis 1971 presque sans interruption, est enfin levé en août 2011. Depuis, le Sri Lanka se reconstruit avec l’appui financier de la Chine et connaît un boom économique et touristique.

Après avoir rompu avec le pouvoir en place, l’inattendu Maithripala Sirisena est élu à la présidence de la république le 15 janvier 2015.

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